GR2/33 sur Spitfire (1940-1944)

Stationnée en Afrique du Nord depuis la débâcle de mai-juin 1940, la 2ème escadrille du Groupe de Reconnaissance 2/33 doit être reconstituée sur Supermarine Spitfire courant 1944, après plus d'un an d'ordres et contrordres. Devant être dotée de North-American B-25 Mitchell, puis de Martin B-26 Marauder depuis la perte de ses derniers Bloch 174, l'unité est finalement maintenue dans son activité traditionnelle : la reconnaissance tactique. La connaissance du matériel britannique s'apprend avec des Hawker Hurricane Mk II C affectés pour la circonstance jusqu'à ce que les deux premiers Spitfire soient livré à la 2 escadrille du GR 2/33 le 4 mars 1944 (Serial BR134 - Spitfire F Mk Vc Trop- et EF736 - Spitfire F Mk Vc).

Dès lors, les pilotes sont lâchés sur Spitfire à un rythme soutenu, à commencer par le commandant de l'escadrille, le CDT PIECHON. Simultanément 7 autres Spitfire sont affectés, dont 4 sont équipés pour la reconnaissance photographique. L'entraînement permet aux équipages de faire connaissance avec les joies de la langue de Shakespeare et les tactiques de la Royal Air Force éprouvées par déjà presque 4 années de guerre contre les troupes de l'Axe. La parfaite maîtrise de ces nouveautés est une condition sine qua non à une intégration efficace au dispositif allié. Force est de reconnaître que la préparation des personnels comme leur entraînement sont de qualité puisqu'un seul Spitfire fait les frais d'un atterrissage sur le ventre le 3 avril 1944 (le Spitfire F Mk Vb serial ES176), tandis que le commandement parle déjà d'envoyer l'escadrille en opérations en Italie.

C'est une circulaire du 12 avril 1944 qui confirme enfin à l'escadrille sa participation à la campagne d'Italie. Le départ, le 21 avril, de l'échelon roulant via les ports de Bône et Naples est suivi de peu par celui de l'échelon volant qui laissera en Afrique du Nord le Spitfire F Mk Vc JL216 aux américains, car en surplus de dotation. L'atterrissage à Pomigliano d'Arco, sous les fumées du Vésuve en éruption, se déroule le 3 mai 1944, juste à temps pour croiser la route des derniers Lockheed F-5 Lightning de la 1 escadrille du GR 2/33 (déplacée quant à elle sur la Sardaigne et la Corse). Une fois toute l'escadrille réunie, un saut de puce pour les avions, et une aventure de quelques heures pour l'échelon roulant permettra de gagner le terrain de stationnement opérationnel pour la reprise de la lutte contre l'ennemi : Santa Maria di Capua. Par manque de visibilité, un accrochage à l'arrivée provoque la perte de deux Spitfire : les Mk V/Y JK109 et F Mk Vc EF743. Ces avions, reversés à la maintenance britannique, seront remplacés par le PR Mk IV/Trop BS361.

Les Français partagent le terrain avec trois autres escadrilles, dont le 111th Tactical Squadron US, avec lequel d'amicales relations se nouent. Ces pilotes américains, équipés de North-American F-6 Mustang, parrainent les pilotes français, pour leurs premières sorties de guerre, en les prenant comme ailiers. Dès le 14 mai, la mouette est autonome et effectue des reconnaissances sur la ligne de front du Garigliano. Le premier franchissement aérien du front a lieu le 17 mai, par le CNE ENFRU et le LTT REY, pour une reconnaissance à vue. Pour coller à l'organisation anglaise, l'escadrille est scindée en deux Flights, le A-Flight et le B-Flight, qui voleront à tour de rôle un jour sur deux. Au 6 juin 1944, la 2ème escadrille du GR 2/33 déménage pour le terrain d'Anzio-Nettuno, situé en bordure de mer, mais hélas, à la plage encore minée et piégée. Les pilotes ont déjà réalisé sans aucune perte plus d'une centaine de sorties de guerre dont 77 missions de guerre sur les lignes ennemies et collecté en une quinzaine de missions photos près de 700 clichés exploitables. Les mécaniciens ont aussi réalisé des prouesses techniques en permettant à l'escadrille de répondre à toutes les missions demandées malgré la faible dotation en avions et les quelques accidents et incidents survenus au décollage ou à l'atterrissage comme chevaux de bois, mauvais verrouillage de trains. Le " Royal Cambouis " a par ailleurs modifié un des défauts majeurs des Spitfire de reconnaissance équipés de caméra de prise de vues verticales : le déplacement des mises à l'air des reniflards d'huile, qui placés en avant des fenêtres de caméras, les obstruaient régulièrement de coulées brunes. Cette modification essentielle pour le bon déroulement des missions fut reconnue par les Anglais qui modifièrent eux aussi en conséquence leurs avions.

Anzio n'accueille l'escadrille que quelques jours, l'avancée des troupes augmentant rapidement depuis la prise de Rome. Le 11 juin, la mouette est à Ponte-Gallera où le LTT GUIBAUD pose son Spitfire Mk Vc/Y serial AB532 alourdi par deux obus de Flak de 20 mm. Cette escarmouche est la première d'une longue série de rencontres avec la fameuse défense antiaérienne allemande. L'unité, renforcée par 4 nouveaux Spitfire (JK825, MH596, MJ995 et MJ897), déménage de nouveau le 18 juin pour Tarquinia où la plage n'a rien à envier en quantité d'explosifs divers à celle de Nettuno. Le 2 juillet, nouveau déplacement. C'est Fallonica qui reçoit l'escadrille française et ses neuf Spitfire. Elle y restera jusqu'au 20 juillet, date historique pour la Mouette du Rhin, puisqu'elle peut enfin remettre le pied en France, plus précisément en Corse, à Bastia-Borgo où elle retrouve les Lightning de la 1ère escadrille. L'heure est enfin venue de prendre part aux opérations de libération du territoire national.
La Corse n'est pour l'escadrille qu'une étape avant les opérations sur le continent. Beaucoup de temps libre est mis à profit pour s'entraîner, découvrir les Belly-Tanks et leurs subtilités de montage, et effectuer quand même quelques missions sur l'Italie, somme toute assez proche. Pour une majorité des personnels, l'attente du débarquement de Provence se fait sur le terrain de Calvi investi le 8 août 1944. Le calme avant la bataille n'est troublé à Calvi que par quelques missions de contrôle du trafic côtier dans le secteur de Gênes et de La Spezia. Quelques pilotes et mécaniciens sont cependant encore détachés en Italie d'où ils partiront directement vers les côtes provençales.
Le 15 août 1944, un échelon précurseur débarque avec la vague d'assaut pour trouver au plus vite un terrain pouvant accueillir l'escadrille et ses avions. Le terrain de Ramatuelle sera utilisé les 21 et 22 août, puis l'escadrille se fixe à Puget-sur-Argens le 23 août. Les missions de guerre reprises le 15 août pour des reconnaissances à vue sur l'arrière-pays niçois et provençal et des surveillances du trafic routier continuent à un rythme très dense. Les zones à reconnaître sont de plus en plus lointaines, et début septembre les Spitfire couvrent la vallée de la Saône. Le 5, l'escadrille déménage pour Montélimar et le 9 pour Saint Laurent de Mure, et dispose de la piste de Satolas. Le front se fixe à Belfort, fortement protégée. Les nouveaux objectifs assignés à l'unité sont maintenant dans le secteur de Belfort, voire même dans le Haut-Rhin sur Mulhouse.

La mouette retrouve son fleuve et prend comme point de chute la base de Dijon-Longvic le 22 septembre, où elle va se trouver presque complètement équipée de Spitfire Mk IX, en reversant progressivement ses derniers Mk V. Le 2 octobre, le LTT BOURDIER est abattu par la Flak et capturé par les Allemands, après avoir posé son appareil sur le ventre dans les lignes ennemies. C'est la première perte en combat de l'escadrille, après plus de 350 missions de guerre. L'avion, le Spitfire F Mk Vc Trop serial BR134 est incendié par les Allemands. De longues périodes de mauvais temps perturbent fortement le déroulement des missions, mais le moral reste au beau fixe. Les 17 et 18 novembre 1944, l'escadrille se rapproche encore de l'Alsace en s'installant à Luxeuil-les-Bains. Le lendemain le CDT PIECHON quitte le groupe et passe son commandement au CDT MARTRE.

Le 1er janvier 1945, la 2ème escadrille du Groupe de Reconnaissance 2/33 devient Groupe de Reconnaissance 2/33 " Savoie ", alors que la 1ère escadrille devient GR 1/33 " Belfort ". Ces deux groupes sont subordonnés au 1er Corps Aérien Français. Le début de la fin pour les Spitfire du Groupe commence le 14 janvier 1945 avec l'arrivée d'un North-American F-6 Mustang. Cette nouvelle monture, dont on parlait depuis quelque temps déjà dans l'unité va remplacer petit à petit les Spitfire, dont les derniers exemplaires sont reversés le 26 février 1945.

Les Spitfire de reconnaissance

Le " Savoie " est le seul groupe français de reconnaissance à avoir opéré sur Spitfire. De nombreux appareils perçus n'étaient à l'origine que des chasseurs. L'unité reçut en première dotation un volant de caméras pour vues verticales ou pour vues obliques. Ces dispositifs étaient montés sur les avions par les mécaniciens du groupe, lorsque l'avion affecté n'était pas modifié et qu'il était à utiliser comme avion de reconnaissance. La modification portait aussi sur l'armement qui était généralement allégé voire supprimé sur ces avions. Les avions volant en patrouille de deux, c'est l'ailier qui assurait la protection de l'avion leader chargé des prises de vues. L'ailier volait lui sur un véritable chasseur nanti de toutes ses armes de bord. Les avions utilisés par le GR 2/33 étaient donc de quatre sortes :
- Avions équipés pour les vues aériennes verticales (1 caméra sur Mk V, 2 caméras sur Mk IX). Ces avions sont repérés par le code /Y ou dans la liste en annexe par Modif. Y.
- Avions équipés pour les vues aériennes obliques : /X ou Modif. X.
- Avions à l'armement modifié, sans caméra, et servant principalement pour des reconnaissances à vue : /W ou Modif. W.
- Chasseurs purs : rien de signalé.

Serial des Spitfire, connus à ce jour, affectés au GR 2/33 :

AB532-BR114-BR134-BR387-BS361-EF697-EF736-EF743-EP656-EP720-EP813-ER228-ER606-ES176 -JK109-JK342-JK507-
JK825-JL216-JL234-MA882-MH596-MJ564-MJ614-MJ712-MJ793-MJ897-MJ995-MK713-NH270-PL151- PT365-PT422-PT582

Indicatif radio : CAMEO, pas de code spécifique à l'unité connu.

Liste des pilotes de Spitfire du GR 2/33

LA CAZE JENNY-CLARK PIECHON MARTIN MARTRE MICHEL BOUTINEAU SPIELREIN ENFRU COLLONGUES LATAPY DE LABORDERIE GUIBAUD DERAMAUX BATLLE DUPUY DELEGUE REY LEPEU LENGELLE GEHANT REDER CHAUTEMPS BOURDIER RICHARD LABADIE DAUBRESSE CHEVALLIER SAINFLOU CALLAC VILLETORTE WILMOT-ROUSSEL.

Citations, décorations

Le GR 2/33 combattant sur Spitfire s'est vu attribuer une citation à l'ordre de l'Armée, avec attribution de la Croix de Guerre avec Palme par décision n302 du 12 janvier 1945.

(sources  www.cocardes.com)